Un Jeu de cheval : une invention schizophrène, Entre vérité et savoir, l'oeil et le regard

 

 

 

Un jeu (je) de cheval : Une invention schizophrène[1]

 

 

Entre vérité et savoir, l’oeil et le regard

 

‘Dites-moi la vérité’, disait un homme  schizophrène que je venais de rencontrer à l’hôpital psychiatrique. ‘Est-ce que mon visage n’est pas plein de trous ? Est-ce qu’une femme pourrait m’aimer ?’

 

Réduit à être un pur signifiant du manque de l’Autre, le seul moyen qu’il avait à ce moment pour établir une localisation de la jouissance de l’Autre en dehors de  son propre corps était la défécation. Comme pour l’Homme aux Loups, [15, p. 82-83] il rejetait par cette expulsion toute signification de la castration de l’Autre. C’est cette rejection, Verwefung, dont Freud dit qu’elle est autre chose qu’un refoulement, que Lacan a traduit par le terme forclusion. [19, p.54-55]. Cette notion élargie correspond à une abolition [16, p.315] par le conscient d’une représentation de ce qui aurait pu être imaginé comme manquant.[2]

 

`Je ne sais pas ma naissance. J’aurais voulu me voir naître les yeux ouverts’, a-t-il conclu dans une lamentation qui ressemble à celle d’Œdipe. Mais comment pourrait-il voir, même sa propre image,  dans le miroir, quand son regard est obstrué par la vision de ce qui lui semble être des trous béants? ‘Est-ce que je suis aveugle?’ demande-il. Il est non voyant dans tous les cas au regard de ‘l’élision de castration au niveau du désir en tant qu’il est projeté dans l’image’ [22] et ignorant pour autant qu’il y a une omission de la signification du manque dans l’Autre. ‘J’ai tué[tu es] mon père et je suis dans la glace’. La seule chose qu’il connaît de son père est que ce dernier est tombé d’un échafaudage avant sa propre naissance. ‘Est-ce que j’étais déjà dans le ventre de ma mère quand mon père s’est tué?’ demande-t-il.

 

Les dires de cet homme et surtout leurs implications m’ont fait penser non seulement à l’invention du Complexe d’Œdipe par Freud mais encore plus à la formulation lacanienne de la disjonction de la vérité et du savoir qui est produite par le discours, et l’assemblage de cette disjonction avec celle que Lacan décrit dans la pulsion scopique. Le développement de ce deuxième point fait partie du thème de deux thèses précédentes qui incluent aussi une discussion concernant le développement  d’un certain type de métaphore subjective.[2 ]

 

Alors comment le sujet schizophrène invente-t-il ce type de métaphore, si nous pouvons l’appeler ainsi ? Quelle est sa fonction ? Que peut-on dire des « préoccupations » de ce patient ? On ne peut ni parler d’hobby ni de sublimation, chez le schizophrène. Il n’est pas question de persécuteur de type « Un-père » ici. Depuis des années, et au moment de ma rencontre avec ce malade, son activité quotidienne se réduit à une étude minutieuse et prolongée de ce qu’il appelle des ‘trous’ dans son visage devant le miroir.  En dehors de cette fascination devant le miroir, comment définir alors la construction d’une autre activité répétée, en lien avec autrui, qui semble procurer une image spéculaire autre, quoi que furtive,  et une diminution momentanée de la souffrance dysmorphophobique, sans qu’on puisse parler d’une amélioration permanente ? Quelle est la pertinence d’utiliser des termes de rhétoriques retravaillés par Lacan pour parler d’un processus schizophrénique ? Pour comprendre ce qui pourrait faire usage d’un processus métaphorique et d’un développement d’une image spéculaire chez le schizophrène, ainsi le processus de disjonction des termes de vérité et de savoir, je propose d’étudier son langage dans son articulation avec son image.

 

Des signes gelés et des chaînes glissantes

 

Il me semble que l’image gelée, l’image de trou, dans le miroir est apparentée à quelque chose d’également pétrifié dans sa parole. Pendant la période féconde du délire du sujet, ses mots étaient considérés comme schizophasiques. Cependant un examen rapproché de sa parole révèle une structure. Celle-ci dépasse la structure d’une qualité poétique illustrée par les répétitions métonymiques des phonèmes.

 

Premièrement ces phonèmes semblent être joints à une sorte de métonymie du corps[3], en plus de l’homophonie, qui semble exister pour créer une densité de son langage. Deuxièmement, ce que le patient appelait: la métamorphose, ou le changement des hallucinations visuelles de son image dans le miroir, semble être lié avec les chaînes glissantes des signifiants en l’absence des points de capitons.[4][20, p.297].

 

De telles affirmations dépendent d’un examen de la parole du sujet dans sa propre langue, ici le français. Cette investigation fournit la base phonétique correcte pour comprendre les arrangements syntactiques et pour identifier les transactions paradigmatiques. La difficulté de traduire le texte d’un schizophrène dans les termes des deux axes démontre-t-elle aussi l’occurrence d’un procédé spécifique de la parole chez le sujet ?

 

Voici quelques exemples du discours de ce patient :

 

On m’a pris pour un lion par l’adjectif trop parfait de moi, pour ma clé, mon échappée, ma naissance, mon accident. Je suis l’adjectif parfois, je refuse tout traitement, je suis un mage, une étoile, l’échappé, je suis un peu un pur, un adjectif parfait. Je me bats depuis un an avec mon visage, mon image, quand j’étais encore dément, je n’étais pas encore démantelé par la doctrine.’[5]

 

Du discours du patient nous pourrions comprendre que le sujet parle de sa naissance, de ses troubles et de ses croyances. Cependant, au départ, il n’était pas question de dysmorphophobie. Ce qui m’a frappé était la répétition du phonème ou du signifiant ‘age’ qui semblait fonctionner comme un moteur pour le reste du discours, et être retenu pour faire des séries. [20, p. 261].[6] Dans cette séquence, le phonème apparaît six fois, dans : adjectif (3 fois), mage, visage et image, tous  avec la même homophonie. Même si plus tard il racontait avoir remarqué des changements en lui-même lors de son dix-huitième anniversaire, il n’est pas question d’age ou de devenir majeur ici. Il n’y a pas de transaction paradigmatique consciente entre le signifiant et le signifié: age.  Est-ce que c’est seulement une coïncidence que ce signifiant apparaît aussi bien dans le mince discours qui concerne pratiquement la seule chose qu’il sait de son père biologique : que celui-ci s’est tué en tombant d’un échafaudage ?  

 

Ces éléments, apparaissant ici comme un retour de signifiant réel, sont présents au départ du délire du patient, dans ce délire et dans d’autres répétitions homophones. Le signifiant ‘age’ semble déterminer, au moins en partie, et particulièrement à certains moments, la localisation de la jouissance de l’Autre sur le visage du sujet. Il réapparaît, sous la forme d’une recrudescence d’acné et d’un érythème sur sa figure les jours précédant son anniversaire, commémorant semble-t-il, ce jour pour lui. Dans ces circonstances il y a une relation entre le signifiant et le signifié. [18, p.71]. [7]  Même avec l’échec d’identification de sa forme dans le miroir, il semble associer l’image qu’il voit comme lui appartenant par l’artifice de ce signifiant qui pourrait être considéré comme étant le trait unaire ou, einziger Zug, celui qui incarne [23, p.129].  Cependant, peut-on vraiment déterminer un signifiant maître chez le schizophrène ?

 

Les prochaines séquences de parole que je propose d’examiner démontrent une autre caractéristique du langage de ce sujet.  Les articulations en question semblent être déterminées non seulement par la localisation de la jouissance de l’Autre sur le visage du patient mais aussi par l’aspect virtuel de son apparence et la sorte de métamorphose dont ce sujet s’est plaint lorsque que la chaîne signifiant glissait sur la chaîne des signifiés. La forme la plus élémentaire de ces séquences accomplit la réduction que le patient exprimera, une fois son délire estompé, et elle agira comme un bouchon pour le manque dans l’Autre. Au départ, le patient a entendu des voix qui affirmaient qu’il était : ‘né d’une vache à lait’[8]. Parfois il entendait simplement: ‘tu es une vache à lait.’ Il pourrait aussi entendre: ‘Tu es un cheval’. Il entendait également: Tu es un jeu de cheval. Le signifiant jeu peut être entendu comme une activité pour se divertir ou  comme je, le pronom de la première personne. Non seulement il a perçu son image dans le miroir comme ressemblant à une vache à lait ou à un cheval mais dans une association qu’il fera des années plus tard, il admettra que pour lui cette voix disait que telle une vache à lait ou un cheval, il était un être supérieur  et qu’il devrait contraindre les autres à se soumettre à lui.

 

Peut-être qu’avec ces idées qui lui sont venues, tels les signifiants qui se précipitaient  à travers ses pensées, piégeant le signifié ici et là, il en déduisait que si une vache à lait était une figure de la fortune, un être supérieur, un mage, elle était aussi une figure d’un naïf à partir duquel on pourrait extraire de la fortune, ou de la jouissance. Cependant, il n’a jamais été tout à fait capable de construire un persécuteur,  et son délire n’a jamais ressemblé à celui d’un paranoïaque.

 

Dans tous les cas, à ce moment là de son délire les voix disaient aussi qu’il était : ‘né de la peur’. Il disait qu’il voulait sangloter, chialer. Plus de dix ans plus tard il confie à son analyste qu’il a entendu une voix qui lui avait dit : tu es un chial. Ce néologisme, voulant peut-être dire quelque chose comme ‘un bébé Cadum’[9], semble être créé de l’expression argotique : chialer, sangloter ou pleurer excessivement. Il est difficile de dire à quel moment il percevait l’image du chial, si c’était avant, ou après qu’il ait commencé à pleurer, où encore si cette image participait seulement à une reconstruction après-coup. L’image dans le miroir n’était pas constante. Apparemment elle a changé encore, accompagnée par les modifications des hallucinations auditoires et les signifiants glissants de S2.[10] C’est seulement par le fait que dans son discours il parle de son image que j’ai pu mettre en lien ce néologisme avec les autres éléments de son délire. 

 

Néanmoins à certains moments le sujet ne peut plus créer une barrière avec l’appétit insatiable de l’Autre. Les hallucinations sont réduites à une commande simple, celle d’un automatisme: ‘Vas chier, aller!’ Sit venia verbo. Et avec cette demande menaçante, le sujet a mis en acte sa propre résolution, une séparation avec la jouissance de l’Autre, une production de faux a, une castration de sorte qu’il était momentanément soulagé de l’angoisse dysmorphophobique, et de ce sentiment d’être un ‘chet humain’.

 

Chialer, je suis allé : ces réponses en forme de balbutiements contenant ce trognon de parole sont si semblables que la reconnaissance du flux[11]  continu de la chaîne signifiant, avec un ancrage sur l’image du corps du sujet, semble  aussi  contiguë avec l’objet produit. Cette contiguïté donne véritablement l’impression que la parole est produite à partir de l’objet. La confusion des phonèmes proches, se manifestant souvent quand des signifiants sont perdus, participe à cette contraction de la chaîne parlée.[16 p.59][20 p. 271], [12]. [12]/ [6 p.45-46] [25][13]. Néanmoins, la distinction entre l’image (phallique) et l’objet matériel permet une compréhension améliorée du dilemme de ce patient.

 

L’icône ou l’être du schizophrène

 

Jusqu’ici je décris des processus du langage plutôt métonymiques chez ce patient même si nous reconnaissons  dans cet élément d’ancrage : « chi », non seulement un élément  qui semble appartenir à la fois au corps et au langage mais un dispositif de capitonnage et de condensation. Est-ce que c’est pour autant qu’on peut l’appeler métaphore et voir dans ce phonème un élément instituant pour le sujet ? Quelles sont les conséquences de la forclusion du signifiant maître et la confusion de l’image et de son objet ?

 

  Certains linguistes insistent sur la notion d’une langue originelle, dans laquelle les sons bruts, par exemple, pourraient devenir des signes [28 p. 47-48] [14] [1][15]. Lacan insiste cependant, sur le fait que ces mots-phrases, capturés par la structure du langage, sont non décomposables. ‘Holophrase : Il y a des phrases, des expressions qui sont non  décomposables et rapportées à une situation prise dans sa totalité, ce sont des holophrases’.[16][26] Suivant les explications de Lacan[23] concernant les effets de l’holophrase du pair signifiant S1 et S2,  j’ai pensé que je pourrais lier les phénomènes cliniques de la dysmorphophobie schizophrène avec ce que j’ai proposé d’appeler une icône [5 p. 300] d’après la définition de Pierce de l’occurrence simultanée du signifiant et du signifié, où l’un est représenté par l’autre.[27 p.24].[16] C’est là  où le signifié ne rate pas son référant, il lui reste étroitement corrélé comme dans un  néologisme, malgré son abandon apparent. La notion d’icône est à mon sens plus judicieuse pour décrire cette occurrence dans la langue de quelque chose qui ressemble par moment plus à un objet et qui se distingue de la métonymie lacanienne. Le processus métonymique existe chez le névrosé aussi bien que chez le psychotique  et concerne la contiguïté de la langue dans la parole bien que les psychanalystes lacaniens empruntent cette notion pour parler, comme nous l’avons fait, d’une « métonymie du corps » dans la psychose.

 

Cette structure semble être différente de ce qu’Armando Ceccarelli[10 p.129] décrit comme étant l’autistique pseudo métaphore parce qu’il permet à la parole du sujet schizophrène de devenir  non seulement ‘publique’ à un certain niveau, mais aussi de trouver une forme de suppléance pour la métaphore (qua) du sujet. De plus, le terme ‘pseudo métaphore’ suggère une forme de substitution pour quelque chose qui  occulte le manque dans l’Autre. Cependant, il ne semble pas permettre la moindre possibilité de  représentation, ou de remplacement, seulement une forme d’idéation observée par Leonardo Rodriguez chez des sujets autistes comme étant celle qui correspond à l’expansion de l’Autre ‘en extension et complexité’. La coïncidence du signifiant et du signifié ne permet apparemment pas  le moindre écart entre ceux-ci dans la pseudo métaphore autiste.[29]

 

En ce qui concerne les schizophrènes, il me semble, que cette structure de l’icône remplacera à l’occasion le signifiant du père symbolique de castration, [2] même passagèrement, bien qu’elle empêche l’opération de signification de l’absence de l’Autre dans le sens absolu. Ce sont pour ces raisons qu’il me semble que la possibilité d’une substitution pour le manque dans l’Autre, créée à partir de ce qui avait été précédemment  un bouchon, a été nécessairement créée à partir d’un point de capiton entre le signifiant S2 et le signifié, plutôt qu’entre le signifiant S1 et l’objet a. Ce type de relation serait corrélé avec une séparation possible du signifiant et du signifié malgré leur apparence identique. La distinction entre le signifiant et le signifié est peut être ici seulement une inférence logique mais, qui semble nécessaire pour décrire l’invention d’une suppléance ou même un sinthome[24] par le sujet schizophrène.

 

Nous pourrions facilement nous demander pourquoi l’ancrage est sur le deuxième signifiant plutôt que sur le premier ? Pourquoi considérer cette icône comme étant créée par ce nouage imaginaire, liant le corps au deuxième signifiant plutôt qu’au premier ? Le premier signifiant n’est-il pas suffisant pour lier le corps aux signes linguistiques ? Ce serait attrayant en effet, pour les neurologues, que le langage possède un ‘ancrage anatomique’, une sorte d’objet de pensée qui existerait dès la naissance. Pour Freud et pour Lacan, la notion de corps est déjà une entité marquée par la signification et qui élude ainsi sa substance somatique. Cependant, la transformation d’un objet matériel, réel pouvons-nous dire, en  élément verbal est une tâche apparemment complexe, bien qu’imaginée par certains linguistes. Ainsi Lacan a développé la notion d’holophrase qui concerne pour lui la gélification des premiers signifiants comme le résultat d’une forclusion de la signification de l’absence de l’Autre, indiquée par S1 et S2.  Rappelons cependant que S1 correspond pour Lacan à un terme d’une suite d’identifications et S2 correspond à un terme appartenant à une suite de sens.  Pour lui, S1 et S2 sont tous les deux des éléments nécessaires de l’opération de solidification qui inclut également la relation de l’image de l’objet parmi les termes. L’image de l’objet correspond au  signifié en termes linguistiques.

 

L’objet en question n’est pas l’objet a. Bien que le sujet essaie de récupérer l’objet matériel pour satisfaire la demande de l’Autre, l’objet qui participe à l’holophrase est un objet signifié. Il correspond au contenu psychique de la même manière que l’objet a le ferait, s’il pouvait être signifié. Il est réel pour autant qu’il dépende des hasards de la présence de l’Autre. Il semblerait que la marque laissée par l’Autre est là comme une sorte d’empreinte ou de trace à la place de l’absence, même dans la schizophrénie. Cette marque reste corrélée avec encore un autre signifiant et une image, peut être celle du phallus imaginaire. Lacan remarque:[23 p.215-216]

 

« J’irais jusqu’à formuler que, lorsqu’il n’y a pas d’intervalle entre S1 et S2, lorsque le premier couple de signifiants se solidifie, s’holophrase, nous avons le modèle de toute une série de cas --- encore que, dans chacun, le sujet n’y occupe pas la même place. » 

 

Pour le sujet schizophrène, le premier signifiant:[23, p.129-130][17] permet au sujet de reconnaître l’image, ou le contenu signifié qu’il voit, comme lui appartenant malgré sa qualité inhumaine, mais seulement parce qu’il est capable de remplir le trou laissé par l’Autre avec d’autres signifiants et le signifié.  Le redéploiement de ce phonème ‘age’, est donc structuré, semble-t-il par la scène originaire  où le père du patient s’est tué en tombant d’un échafaudage ainsi par le désir de la mère qui, selon les services sociales ayant occupé de la famille, était littéralement « emmerdée » par une grossesse au moment de l’accident de son mari. Cette récupération et emploi assez non métaphorique du signifiant ‘age’ à partir des coordonnées de l’imago du père illustre la difficulté de distinguer un signifiant Maître chez le schizophrène. Ici l’identification est limitée à une répétition ou une imitation en quelque sorte et ne permet aucune signification paradigmatique quelle qu’elle soit parce qu’il n’y a pas la place pour une dialectique, pour un sens équivoque de l’absence de l’Autre. Lacan indique que c’est la solidification de la chaîne des signifiants primitifs qui empêche l’ouverture d’une dialectique observée dans le phénomène de croyance (Unglauben). [23, p.216] Dans la schizophrénie, apparemment la solidification de la chaîne permet seulement des associations homophoniques entre les phonèmes différents mais proches, et/ou l’émergence plutôt inconsciente du syndrome psychosomatique sur ses anniversaires, commémorant aussi dans cette manière la mort de son père.

 

Dans de telles conditions, il semble que presque n’importe quel signifiant pourrait être utilisé pour épingler le ‘je’ (Ich) s’il remplit deux conditions : Il doit prolonger le mirage narcissique, (si seulement de façon phonétique) et il doit consolider l’image en apportant une sorte de ‘signification’. Cette deuxième condition nous permet déjà de parler de S2, d’après la description de Lacan.   Cependant cette condition ne nous permet pas de déterminer une temporalité, seulement une sorte d’ordre logique entre S1 et S2, ni de parler d’une métaphore.  Il semblerait que ce soit l’ancrage d’un signifiant et d’un signifié qui ‘institue’ l’ordre dans la schizophrénie au lieu de la métaphore du Nom-du-Père.

 

 

 

Dans les séquences parlées de ce sujet schizophrène, le signifiant: j’ suis et le signifiant: chi, sont conjoints comme le code et le message que la séquence supporte. Cependant, dans cette conjonction, il y a aussi parfois une conjonction entre l’objet matériel et l’image signifiée, comme cela semble être le cas avec les sujets autistes. L’être du schizophrène semble se confondre avec l’icône.

 

Localisant l’holophrase

 

Pour ce sujet schizophrène, où se produit précisément l’occurrence de l’holophrase ? Est-ce qu’elle est repérable à l’endroit d’une connexion que l’on pourrait retrouver à partir du signifiant age dont j’ai indiqué ci-dessus qu’il pourrait être un S1 ? Rappelons qu’ici le sujet localise quelque chose du manque dans l’Autre, dans les trous qu’il voit dans sa figure: visage, image… Ainsi, fait-t-il apparemment différentes ébauches de symbolisation qui tentent vainement d’intégrer et de neutraliser le traumatisme résultant ? Ou, l’holophrase ne se situe-t-elle pas plutôt dans la chaîne de signifiants homophones qui sont ancrés au signifié comme terme paradigmatique pour l’objet en question, entre les homophones: j’ suis et chi? [2][18] Pour Lacan « l’holophrase n’est pas intermédiaire entre une association primitive de la situation comme totale, qui serait du registre animal, et de la symbolisation. » Il s’agit de « quelque chose où ce qui est défini à la limite, à la périphérie »…« toute holophrase se rattache à des situations limites, où le sujet est suspendu dans un rapport spéculaire à l’autre »[16 p. 16]

 

 Il semble que l’hypothèse que le sujet semble faire est: ‘je suis’, (mon père), démontrant la confusion entre l’image du sujet et celle du phallus imaginaire, et contribuant à la confusion entre l’image et le réel, presque identique à celle citée  ci-dessus: je suis et chi. [3]

 

 La phrase suivante illustre les hypothèses du sujet: j’ai tué mon père et je suis dans la glace, (ou l’image comme il le dit également) et/ou J’ai, tu es mon père et je suis dans la glace,[2] selon la façon dont les axes du langage permettent de comprendre le contenu de ses dires. Cette phrase souligne les effets d’une confusion possible entre les pronoms et les verbes à la première personne en français : être et avoir: j’ai, tu es, mon père. Le seul paramètre constant dans cette phrase est la conclusion. Il dit qu’il est dans le miroir, et ce qu’il voit là est apparemment lui-même, que l’image soit celle de son père ou celle d’un autre être ou chose.

 

Lacan dit que la fonction de l’holophrase est qu’elle participe à ‘l’unité de la phrase’, dans la mesure où le code et le message sont confondus. Il articule cette fonction avec celle de la phrase pour disjoindre la notion du besoin des termes de la demande. La phrase holophrastique ne peut être, selon Lacan, réduite à sa fonction parce qu’elle est prise dans le discours du sujet.[21] Si nous suivons la définition de l’holophrase proposée par Lacan, nous devons en retenir, me semble-t-il, que les termes homophoniques qui ont été identifiés pour ce sujet ne participent pas seulement à l’unité de la phrase, mais répondent aussi aux critères de discours par la capacité de ces termes à donner une consistance au corps du sujet, indiquant par là son lien avec le langage de l’organe et le néologisme.

 

Cependant, il pourrait être utile d’ajouter que les effets de l’holophrase sont tels que les points variés de la jouissance de l’Autre et les termes référents qui semblent les définir sont liés d’une certaine façon à cette holophrase. Les mots visage, image, etc., sont-ils simplement des associations que l’on pourrait s’attendre à voir dans le miroir, et /ou la répétition du signifiant age, une  production d’un signifiant vidé et mis en série ? 

 

Peut-être le malade nous fournit-il d’autres indices dans cette séquence venant des premiers moments de son délire : « Le dernier je(u) est un je(u) de cheval, c’est un adjectif… » Comme remarqué aussi par L. Rodriguez pour l’autiste, le phonème ad semble s’agglutiner au phonème je, permettant ainsi une forme d’idéation qui s’étend par « contamination [17][19] »,: On m’a pris pour un lion par l’adjectif trop parfait de moi, …, je suis un mage, …un adjectif parfait. »  Si nous voulons étayer notre étude par l’emploi de ces processus primaires signalés par Freud nous pouvons obtenir la condensation : « Je est un adjectif trop parfait de moi » « C’est un cheval ».  Le « j » seul ne fonctionne que sur la dimension syntaxique.  Selon le patient lui-même, ce signifiant est un terme qui qualifie le mot cheval dans cette séquence. Nous ne pouvons même pas être certain que le phonème « je », utilisé en premier instance, est le pronom de la première personne. Il peut aussi désigner la distraction : « jeu ». De même pour le second emploi. Nous savons cependant que le patient dit par ailleurs : « Je suis un cheval » et « Je suis un je(u) de cheval »  et que la production d’un « j » chez lui entraîne souvent un autre. Dans tous les cas, ce n’est que la fusion de ce phonème avec le phonème  « sui » qui permet un fonctionnement aussi sur l’axe paradigmatique grâce au boulonnage par l’icône. Ce patient par moment semble croire être un « je-cheval ». Cette interprétation suivant les règles d’abord proposées par Freud, est un peu comme celle d’Artaud qui affirme être un « moi-poux ».[8]

 

L’association du contenu signifié (l’image virtuelle, ici d’un cheval) avec les signifiants de l’holophrase, soutient l’idée que l’icône se produit sur le deuxième signifiant, permettant un enchaînement, quoique limité, des signifiants. Il semble y avoir une substitution par laquelle il y a une tentative d’association avec d’autres signifiants (age) même si ce qui apparaît comme un ‘métonymie du corps’ est une forme restrictive d’association, où le manque par lequel la métonymie est construite est presque obvié. Cependant, la substitution semble arriver aussi bien à partir de l’association de deux contenus signifiés: visage ou image, et celui du chi-al, et les signifiants qui y sont associés. Le sujet indique que pour lui, « je » décrit tout  ce qu’il voit dans le miroir. [2] Il est chaque mot qui le qualifie et son image reflète cette qualification. Cette « reconnaissance » semble être le résultat de l’holophrase. [5][20] C’est donc le verbe être (suis),  holophrasé au terme du corps (chi), qui lui donne cette possibilité de consistance. [25 p. 802]

 

Une affirmation de cette nature exige d’être complétée par d’autres questions. Une telle question concerne le signifiant “sui“, qui se distinguée du verbe conjugué à la première personne du verbe “être”. Je réponds implicitement  dans cet article. Si l’on parle du verbe, il y a une question de signification et ainsi d’un signifié, même s’il n’est pas isolable. Cependant, il semble probable que l’holophrase, par définition, ne peut avoir qu’une forme limitée de signification. Le néologisme produit (chial)  prend en compte  cette forme de limitation. Peut être que nous pouvons considérer que si un signifiant peut donner lieu à une forme de signification, même limitée, il pourrait avoir une fonction grammaticale aussi, autre que celle de  « l’unité de la phrase », d’après Lacan.  Il semblerait que cette question pourrait être mieux prise en compte par l’étude d’autres holophrases où d’autres signifiants acquièrent le rôle que le signifiant  exceptionnel, “sui”, acquiert dans ce cas, grâce  à son utilisation dans la parole du sujet où il s’articule au signifiant : “j”(ge), et forme une holophrastique fusion à l’icône. Cette remarque en elle-même ouvre  une question métaphysique  qu’on pourrait facilement omettre de poser. Pourquoi le sujet parle-t-il d’ « être » au lieu de « rien » ? La nature  même de son utilisation de cette holophrase démontre que le « verbe » acquiert une signification et n’est pas simplement un signifiant vidé de son sens mais bien plus encore.  Le « je », caractérisé par Lacan comme « être de non-étant », se dote dans ce cas d’un « étant », justement  par le dispositif de l’holophrase. Ici, la substance du sujet ne s’abolit pas de son savoir. Cette substance soutient son discours au lieu d’être soutenu par un manque.  [25, p. 802]             

 

Intervalle holophrastique et invention schizophrène

 

L’holophrase est ce qui est responsable non seulement de l’absence de l’intervalle entre S1 et S2 qui empêche la séparation de l’objet a, mais elle permet aussi l’invention d’une suppléance à l’absence de métaphore du sujet.   La notion de suppléance suggère qu’il y a une forme de substitution qui se produit. Cependant, l’icône ou pseudo métaphore, même si elle agit comme le dernier point de capiton restant qui empêche le sujet de perdre tout lien avec sa langue, ne permet pas, en elle-même, au signifiant de représenter un sujet pour un autre signifiant. Si le défaut d'intervalle entre S1 et S2 empêche la division du sujet, faut de pouvoir soustraire quelque chose à l'Autre, il semble néanmoins que cette brèche puisse être plus ou moins ouverte. 

 

Les chaînes glissantes génèrent des images qui permettent au sujet de prendre un peu de distance avec l’image en miroir pour permettre une forme d’existence plus satisfaisante, peut-être comparable à celle du sujet autiste lorsqu’il se met à parler.  Cependant, aucune forme d’ancrage n’a empêché la forme dans le miroir de varier. Par contre,  la médication qui calmera le délire, arrêtera aussi la métamorphose, laissant alors le sujet dans une très médiocre capacité de réponse par rapport à la jouissance de l’Autre ---à savoir l’icône. Il semble que sous cette forme élémentaire il y ait peu ou même aucune différence entre l’icône schizophrénique et la pseudo métaphore autistique; la seule différence entre ces structures pourrait être liée ay fait que l'icone reste peu ou prou actif et mobilisable dans une chaîne de parole.

 

Par le passé, ce sujet n’était pas autorisé à sortir de l’hôpital psychiatrique. Or, un changement dans la politique de santé mentale en France permettra à ce patient d'obtenir des permissions de sorties de l’hôpital et même bénéficier de soins externes. Bien que le patient se soit abstenu d’exploiter ses nouveaux droits, il lui arrivait pourtant de quitter quelquefois l’hôpital, accompagné d’un infirmier et de quelques autres patients. De cette manière il a pu développer un goût pour les paris dans les bars PMU du quartier, même si au cours de ces sorties ses craintes quant à la rencontre avec leregard de l'autre étaient majorées, en particulier quand il était seul.

 

Nous pourrions être tentés d'interpréter l'acte de parier dans le sens d'une ouverture de la subjectivité à la question de l'être.  Or qu'est-ce qu'une question? Cette forme intérogative d'une phrase n'est pas seulement grammaticalement différente d'une affirmation. Rappelons que Freud considère que l'affirmation (la Bejahung) est la confidtion première pour que la dénégation (la Verneinung) puisse avoir lieu. Lacan situe le sujet du côté de cette dénégation. Pour lui, l'attribution première est le pendant de la Bejahung, qu'il oppose à a Verwerfung. Cette attribution première permis par la métaphorisation permet à l'enfant de déconnecter la chose de son cri. Cependant, sans parler  autant de métaphorisation, la synchronisation d'un signifiant (tel le ne de la dénégation) avec une sorte de déconnection de la chose parait possible dans une certaine mesure par l'intérogation. De cette façon le vide qui se créait écarte la chose de l'être du sujet. Par le dispositif grammatical de l'intérogation le sujet est aussi confronté avec autre chose qu'une présence réel, autre chose que la certitude.

 

En me souvenant de l'évocation par le patient d'un certain  "je(u) de cheval" , durant la période féconde de son délire, j'avais été rendu sensible au fait que son syndrome  dysmorphophobique semblait être quelque peu allégé par sa participation aux paris aux courses de chevaux.

 

Freud avait observé dans le jeu du fort-da l’articulation du signifiant de l’absence de l’Autre généré par l’absence créée et répétée par l'action ludique de l'enfant faisant aller et venir devant lui une bobine retenue par une ficèle. Cette création d’une sorte de champ vide par l’enfant était un moyen de maitriser un tant soit peu l'aléa de la présence réelle par sa propre automutilation. Rappelons ici ce qu'en dit Lacan:

 

 "Cette bobine, ce n’est pas la mère réduite à une petite boule par je ne sais quel jeu digne des Jivaros ---c’est un petit quelque-chose (sic) du sujet qui se détache tout en étant encore bien à lui, encore retenu. C’est le lieu de dire, à l’imitation d’Aristote, que l’homme pense avec son objet."[23, p.60]

 

Le sujet schizophrène déploie-t-il les éléments de l’icône par ce moyen, détachant une partie de lui-même dans une automutilation qui échappe momentanément au réel?

 

Pour Pierre Bruno, ce qui "est spécifique à la  schizophrénie est le fait que le sujet est signifié par la phrase qui parle de lui, sans jamais être nommé, c’est-à-dire pour le dire, isolé en tant que tel dans le langage". [29, p. 129][21] Cependant, ce sujet semble démontrer que bien qu’isolé quelque peu dans le langage, il y a un accès certain à un noyau d’identification, différent de celui de la paranoïa. (Ici notre propos n'est pas de traiter la question de cette différentiel.) Notre patient montre qu'il a trouvé un moyen de compter sur un dispositifi qui est plus que celui  d’une signification. C’est déjà une forme de nomination. [3]

 

Le sujet qui dit: "Je suis un je de cheval" ou "Je suis un jeu de cheval", bien que le pronom de la première personne soit englué dans ce qui parle de lui, est peut être dans une position bien différente de celle identifiée par Leonardo Rodriguez comme étant la position du sujet autiste, à savoir:

 

"un sujet sans un nom propre, qui dans l’acte de sa parole répète les signifiants (réduits à des signes gelés) de l’Autre. Au lieu de l’identification primordiale avec le signifiant de l’idéal (I), le sujet autiste reste identifié avec ces signifiants pétrifiés."[29, p. 134-135][22]

 

Bien que le sujet schizophrène reste quelque peu identifié aux signifiants gelés, comme le sujet autiste, il y a une possibilité de discours. Ce discours permet au sujet une participation sociale limitée qui lui permet d’exister dans son propre corps. Il pourrait ainsi lire le journal, s’aventurer dans des bars, consommer une boisson, affronter le regard de l’autre, et même, partager l’argent qu’il a gagné occasionnellement, même si cette stabilisation devait être récréée chaque fois.

 

La notion de suppléance chez le schizophrène se présente ainsi presque en dépit de la question de la durée.  Elle pourrait se manifester donc comme quelque chose d’extrêmement furtif, qui ne dure que le temps, par exemple, d’un tiercé, le temps d’un capitonnage puis d’une suspension. Bien que l’activité de défécation pourrait être corrélée à un capitonnage, puis à une suspension de l’icône dans la chaîne parlée, nous ne pouvons pas parler de la défécation comme suppléance même si elle permet un soulagement du syndrome dysmorphophobique. A partir de l’age de l’éducation sphinctérienne, cette activité manque totalement d’une dimension du lien social, nécessaire pour faire suppléance, selon Lacan. Cette corrélation d’objet anal avec l’image spéculaire, repérée également à partir de l’icône,  signale néanmoins le rapport de la demande avec le niveau scopique/anal. [23] « Le niveau anal est le lieu de la métaphore », dit Lacan [23, p. 96]. Cependant ici il nous semble que nous ne parlons pas encore d'une métaphore, malgré ce moment suspensif,  mais d'objet de substitution ou, à la limite, d’objet d'une identification primitive, et dans tous les cas d’un faux-semblant du sujet. 

 

En outre, ce n’est pas seulement l’existence d’un soulagement du syndrome dysmorphophobique qui nous permet de dire que les paris servent de suppléance pour ce patient. C’est avant tout les jeux de langage et l’arrêt de glissement de la chaîne des signifiants sur la chaîne des signifiés à cet endroit qui nous permettent de retrouver ce qui pourrait être pris en compte par le sujet comme suppléance possible et qui pourrait servir d’appui pour le thérapeute.  L’invention de ce patient est néanmoins tout à fait concordante avec ses capacités et ses origines populaires.

 

Sa question concernant quel pari, quel idéal, quel cheval, quel nom sur lequel parier est lié à  l’icône, gelée au premier signifiant.  Cependant, la structuration de la parole en forme de question, qui pour lui est la question d’acquérir un nom, est une sorte de quête épistémologique ouverte par les réponses possibles qui ne dépendent plus seulement des hasards de l’Autre. Il semble fournir, par ce moyen, un intervalle suffisant pour créer un sinthome, précisément parce que la question génère un manque métonymique dans la chaîne signifiante. C’est bien ici qu’un autre signifiant, peut être celui qui indique le sujet,  pourrait être représenté, même momentanément.

 

Par ce dispositif, il me semble, le sujet crée une sorte de truchement similaire à celui créé par la disjonction de la vérité et du savoir.  Sans l’invention de cette possibilité d’une rencontre ratée, le sujet serait toujours perdu dans sa quête symbolique,… hors(e) discours(e). Of course!                                                                               

 

© Barbara Bonneau

Juin 2003

 

 

 

Bibliographie

 

 

 

 [1] BICKERTON, D.  Language and Species, University of Chicago Press, Chicago, 1990.

 

[2] AUTEUR, « J’ai tué mon père et je suis dans la glace », Articulation entre le rejet du signifiant primordial et l’image spéculaire. Observation d’une dysmorphophobie. Sous la supervision de Marie-Claude Lambotte, Université de Paris VII, 1992, 71 pages.

 

[3] AUTEUR, « La langue m’a frappé dans les yeux », Articulation entre le rejet du signifiant primordial et l’image pathologique de soi.  De l’empreinte à l’image. DEA  Directeur de recherche, Pierre Fedida, Université Paris VII, Juin 1995, 67 pages.

 

[4]AUTEUR, « Image préspeculaire et Suppléance : rapport de la parole à l’image dans la psychose. », présentation orale le 18 Octobre  1997 à Dijon, journée des cartels, ACF, non édité à ce jour, 20 pages.

 

[5]AUTEUR, Les Mots dans l’oeil, Le discours du schizophrène et l’image de son corps, étiologie différentielle des dysmorphophobies. Thèse de Doctorat, Université Paris VII, 2001, 317 pages, plus bibliographie. Directeur de Recherche, Pierre Fedida, Université Paris VII.

 

[6]AUTEUR, “L’holophrase: repère de diagnostic ?”, Décembre 2003 in Revue de Psychanalyse du Champ Lacanien, Tout n’est pas Langage, Paris, Forums du Champ Lacanien, Ecole de Psychanalyse du Champ Lacanien, Mars 2004.

 

[7] AUTEUR, Les Mots dans l’oeil, jeux de la vérité de l’être spéculaire, étiologie différentielle des dysmorphophobies .Juin 2004. 295 pages.  A paraître.

 

[8] BRUNO, Pierre, Antonin Artaud, Réalité et Poésie, L’œuvre et la psyché, l’Harmattan, Paris, 1999, 195 pages. 

 

 [9] BRUNO, Pierre, cite par Rodriguez, L. « Autistic speech », pp. 124-136, Analysis : 10, 2001, 176 pages. Traduit de l’anglais par l’auteur.

 

[10] CECCARELLI, Armando, cité par: L. Rodriguez, « Autistic speech », pp. 124-136, Analysis, n° 10, 2001, 176 pages. Traduit de l’anglais par l’auteur.

 

[11] ] FREUD, Sigmund, L’interprétation des Rêves, 1900, traduit de la dernière version de Die traumdeutung publiée par Freud en 1929 (huitième édition allemande) et édité dans les Gesammelte Werke, tome II-III, en 1942, traduit par I. Meyersonet révisée par D. Berger, 1926, 1967, Paris, P.U.F.

 

[12] FREUD, Sigmund,  La Psychopathologie de la vie quotidienne.

 

[13]FREUD, S., Totem et Tabou, 1912-13, traduit par S. Jankélévitch ; Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1992.

 

[14]FREUD, S., « L'inconscient », 1915, traduction dirigée par Laplanche, J., et Pontalis, J.-B., in Métapsychologie, Paris, Gallimard, collection Folio Essais, 1968. « Pulsions et destins des pulsions » 1915, traduction dirigée par Laplanche, J. et Pontalis.

 

[15] FREUD, S., L’Homme aux loups, À partir de l’histoire d’une névrose infantile, 1914 [1918], traduit de l’allemand par Janine Altounian et Pierre Cotet, Paris, PUF, collection Quadrige, 1990, 123 pages.

 

[16] FREUD, S. « Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa (Dementia paranoïde) : Le Président Schreber (1911), trad. M. Bonaparte et R. Lowenstein, in Cinq psychanalyses, P.U.F., Paris,  1954.

 

 [17] JUNG, C. G. « Psychologie de la démence précoce : essai», 1906, pp. 11-187 , in Psychogenèse des maladies mentales, Albin Michel, Paris, traduit de l’allemand par Josette Rigal, 383 pages.

 

[18] LAMBOTTE, Marie-Claude, Le discours mélancolique,  de la phénoménologie à la métapsychologie, Anthropos, Paris, 1993.

 

[19] LACAN J., Le Séminaire, I, Les Ecrits Techniques de Freud, 1953 - 54, texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, Seuil, 1975.

 

[20] LACAN, Jacques, Le Séminaire III, Les Psychoses, 1955-56, Seuil, 1981, 365 pages.

 

[21]LACAN, Jacques, »Le désir et son interprétation », leçon du 3 décembre 1958.

 

 [22] LACAN, Jacques, Le Séminaire sur l’Angoisse, leçon de 22 Mai, 1963, non publié à la rédaction de ce texte .

 

[23]LACAN, Jacques, Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964-65, Seuil, 1973, 256 pages.

 

[24]LACAN, Jacques, Le Séminaire  XXIII, Le Sinthome, 1975-76, non publié à ce jour.

 

[25]LACAN, Jacques, « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l'inconscient freudien », 1960, in Ecrits, Paris, Editions du Seuil, 1966, pp. 793-827.

 

[26]LACAN, Jacques, in Trésor de la langue française ; Dictionnaire de la langue du XIX et du XX siècle, Paris, édition  CNRS,  Paris, 1981, t. 9, p 869.

 

[27]PIERCE, Charles cité par  Jakobson, R. « A la recherché de l’essence du langage » pp. 22-38,  Problèmes du langage, Paris, Gallimard, 1966, 217 pages.

 

[28]ROBINS, R. H., cité par Alexandre Stevens in STEVENS, Alexandre, « L’holophrase » in Ornicar ? , Paris, Navarin,  Automne 1987-88.

 

[29]RODRIGUEZ, Leonardo, “Autistic speech”, pp. 124-136, Analysis: 10, 2001, 176 pages.  Traduit de l’anglais par l’auteur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Une version de ce texte, écrite en juin 2003 a été accepté pour publication dans AnalysisN° 12, The Australian Center for Psycho-analysis, Trobe University Press sous le titre « The Eye (I) of the horse, a schizophrenic’s invention. »   La version française n’a pas eu besoin du même travail de « traduction » des propos de ce patient, un francophone, que ce premier texte adressé aux anglophones et se trouve pour cette raison, remanié. Note Mars 2014: Ce texte, lu sans avoir connaissance des travaux préalable de Maîtrise et de Thèse, semble être, aujourd'hui, une sorte d'illustration de la théorie psychanalytique. Or, à l'époque de sa première rédaction (1991-1992), il n'existait pas, à ma connaissance, une théorie sur le fonctionnement de la holophrase dans la schizophrénie. La psychanalyse écartait même, de plus en plus, cette pathologie, l'amalgamant avec la paranoïa, ou alors la débilité ou l'autisme. (BRUNO, P., "A côté de la plaque, article sur la débilité." Ornicar?, no. 37, Paris, Navarin, Seuil, 1986, p. 42. ou LEFORT Rosine et Robert, Les Structures de la psychose, L'enfant au loup et le President, Paris, Le champ freudien, Seuil, 1988 que j'ai connu seulement après mon propre travail.)   Malgré l'intérét de la recherche de Pierre Bruno, ainsi que les Leforts sur l'enfant débile (ou autiste?) et l'holophrase, celle-ci ne s'articulait pas spécifiquement avec la schizophrénie, me semble-t-il. Le terme psychose était à cette époque (1970-1990 environ) un terme générique. Bien que Melanie Klein s'intéressait à la schizophrénie infantile,  la recherche lacanien se concentrait alors sur la "forclusion du Nom-du-père" ou alors l'Unglauben et la certitude psychotique. Par ailleurs, si le "concept" d'un "corps sans organe" (expression du poète schizophrène, Antonin Artaud) a connu du succès au près des philosophes Deleuze et Guattari, leur mis en cause du concept psychanalytique du désir a élargit l'écart entre les recherches en psychanalyse et en philosophie. Le manque de théorie m'a amené à explorer alors une sorte de logique où ce dispositif, dont j'ignorais le nom encore, semblait influencer le sujet des premiers moments délirants, jusqu'à la formation d'une forme de suppléance, différente du Nom-du-père, et peut-être même, l'invention  d'un Sinthome.(voir « J’ai tué mon père et je suis dans la glace », Articulation entre le rejet du signifiant primordial et l’image spéculaire. Observation d’une dysmorphophobie.,op.cit. et textes suivants, accessible depuis la "Galerie des textes". 

[2] Le terme Verwerfung pourrait faire l’objet lui-même d’un article. D’autant plus que  Freud et Lacan divergent sur certains points, ce qui pourrait conduire le clinicien à un diagnostic différent de l’Homme aux loups.  Pour ma part, ayant adopté le diagnostic freudien de névrose chez l’Homme aux loups, je le prend en compte ici seulement pour comparer certains  processus chez mon patient avec ceux qui sont avoisinant chez l’Homme aux loups. Ce  texte étant consacré exclusivement aux psychoses, domaine sur lequel Freud et Lacan se rejoignent autour de la notion de Verwerfung, je n’irais pas plus loin sur cette problématique. Je me concentre surtout sur ses effets dans la psychose. Cependant je renvoie le lecteur aux deux passages très connus des cas de l’analyse du Président Schreber et de celle de l’Homme aux loups pour qu’il puisse avoir une idée de la différence des deux auteurs et se rendre compte pourquoi la polémique autour de l’Homme aux loups reste toujours aussi vivace : « Il n’était pas juste de dire que le sentiment réprimé (unterdrück) au-dedans fût projeté au-dehors ; on devrait plutôt dire, nous le voyons à présent que ce qui a été aboli au-dedans revient du dehors (dass das innerlich Aufgehobene von aussen wiederkehrt ». Souligné par moi. Dans cette citation nous pouvons remarquer que la psychose se caractérise désormais pour Freud par ce terme : « abolition » sur lequel Lacan s’appuiera pour définir le terme : Forclusion. Cependant, c’est avec le cas de l’Homme aux Loups où Lacan, en reprenant  les différentes attitudes par rapport à la castration, justifiera sa propre utilisation du terme de Verwerfung comme le rejet primordial d’un signifiant fondamental. Freud insiste dans son cas de l’homme aux loups sur la « prise de position initiale » de son patient « envers le problème de la castration ». Il dit que l’homme aux loups « rejeta » la castration, c’est-à-dire qu’il « n’en voulut rien savoir au sens du refoulement. Aucun jugement n’était à proprement parler porté par là sur son existence, mais ce fut tout comme si elle n’existait pas. »

[3] Selon Lacan la métonymie est la forme rhétorique du ‘déplacement’ freudien. La ‘métonymie du corps’ est une forme rhétorique pour parler d’une qualité de langage quasi-pulsionnelle où, par exemple, la sensation des fourmillements dans le corps peut s’écrire pour le psychotique sur la page comme  des petits points désignant des fourmilles. Dans le cas de mon patient  schizophrène il y a ce même rapport entre l’objet voix ou son matériel « chi » et l’objet anal.  Autrement dit : le schizophrène fait corps avec son langage et  la métonymie dans le langage peut se retrouver sur le corps.  Dans cette forme de métonymie, le transfert du signifié se fait en même temps que le transfert du signifiant…   « visage, image, (j)» C’est peut-être une conséquence de ce que Lacan a remarqué chez le schizophrène, « tout le symbolique est  réel » [16, p.392] . [2, p. 32].  Quant à la métaphorisation, elle n’est pas synonyme de condensation. 

[4] Le point de capiton est désigné par Lacan comme le constituant élémentaire de son "graphe de désir", l'élément "par quoi le signifiant arrête le glissement autrement indéfini de la signification"[4]  Autrement dit, le point de capiton est l'élément essentiel pour qu'un discours ait une signification.  Il se définit, selon Lacan, par deux axes langagiers, celui qui contient le réseau des signifiants, déterminé par la structure synchronique, et celui qui contient le réseau des signifiés, déterminé par la structure diachronique. Ce second réseau réagit dans l'après-coup sur le premier, chaque terme étant anticipé dans la construction des autres, la signification n’étant arrêtée qu'avec son dernier terme.  Exprimée en termes d’axes paradigmatique et syntaxique, l’action après-coup définit l’axe paradigmatique avec un capitonnage des termes du signifié et du signifiant pour faire sens, tandis que l’axe syntaxique  définit l’action  indépendante du signifiant qui se déroule dans la chaîne parlée. La traduction d’une langue à l’autre prend en compte, de façon générale, seulement l’axe paradigmatique. Pour traduire la poésie, les textes des analysants etc. une recherche sur l’assonance (l’axe syntaxique) est souvent également nécessaire.    

[5] Une tentative d’interprétation  ou recherche de sens, est une recherche sur l’axe paradigmatique.

[6]Selon Lacan le noyau de la psychose apparaît sous forme de signifiant pur, vidé du signifié, posant cependant les jalons du délire qui se construit autour.  Chez  Schreber, la correspondance terme à terme d'éléments de discrimination très voisins, comme Chinésenthum ou Jesus-Christum ne sont équivalents que dans la mesure où, en allemand, la terminaison tum a une sonorité particulière.

[7] En 1858, le Dr. Richarz, à propos de la mélancolie agité et la manie dit : « La manie est toujours liée à la formation des séries, lesquelles, certainement, obéissent aux lois d’association et de reproduction – allitération et assonance du mot, identité et contraste de l’idée --. Ces lois exercent aussi leur empire sur le langage, apparemment des plus confus, des fous furieux, mais souvent, il n’est pas possible de saisir la preuve de cet empire du seul fait que, dans le cas qui nous occupe où « un seul pas entraîne mille relations », les combinaisons de représentations se succèdent avec une telle rapidité et se forment en nombre si élevé, pour se dissoudre aussi vite, qu’elles échappent à toute observation orientée vers elles. Et ceci surtout en raison de l’ignorance plus ou moins grande – d’ailleurs inévitable – de l’observateur en ce qui concerne les liaisons spéciales que les représentations ont formé chez l’individu observé, compte tenu de son expérience personnelle de vie » « Uber Wesen und Behandlung der Melancholie mit Aufregung (Melancholia agitans) » traduit par Marie-Claude Lambotte. .Le Dr. Richarz semble persuadé que ces séries comportent aussi une « clé » pour la compréhension de l’expérience du malade. Ce n’est pas pour autant que nous pouvons parler de sens sur un axe paradigmatique.

[8] Les sons qui sont répétés plusieurs fois dans ces séquences correspondent à: ty, e, va, ς, ί, a, le dans le code  phonétique international.

[9] Insulte que les enfants utilisent  pour dégrader les autres enfants, surtout quand celui-ci agit ‘comme un petit’, ou pleure excessivement. Le mot Cadum venant de la publicité pour des produits pour bébé.

[10] Lacan définit en S2 les signifiants appartenant à une suite de sens.

[11] Ce flux continu de signifiants pourrait être plus facilement noté en lisant à haute voix,  de façon continue, les éléments du discours du sujet: Vache à lait, Cheval, Va chier, aller, chial, chi. 

[12] Lacan explique la désintégration qui se produit  dans la langue, même à l’intérieur des mots à partir d’un exemple que Freud emploie concernant l’oubli des noms dans : La Psychopathologie de la vie quotidienne.

[13] Lacan cite plusieurs fois en référence l’élision de la lettre dans le cas de l’Homme aux Loups d’après Freud, quand ce sujet, sous transfert, est confronté avec le souvenir du réel du rapport sexuel pendant qu’il raconte un rêve où un homme arrache les ailes d’une guêpe jaune rayé. Au lieu de nommer l’insecte, Wespe en allemand,  associé clairement par l’homme aux loups avec sa première bonne d’enfant, Grouscha, (qu’il croit incorrectement au départ porter le même nom que sa mère et qui lui rappelle la scène originaire et avec celle-ci, la menace de castration), il omet la première lettre, W  ou le premier signifiant, S1. Le  résultat surprenant de cette censure phonétique : Espe, est un Witz  et non un néologisme. Ici le sujet est produit presque comme par une transgression, sous la forme de ces lettres, SP, les initiales de son nom --- Serguei Pankejeff, signifiants représentant le sujet pour un autre signifiant.  Ici la castration qui était dans l’image est permutée au champ symbolique amenant avec elle la disjonction des termes: S1 et S2, et la division du sujet, $. La différence avec la  production du néologisme et du Witz est illustrée remarquablement par ces incidences des signifiants. Bien que les deux soient produits sur le bord d’une expérience virtuelle, le Witz produit une discontinuité entre les signifiants et entre le regard et l’oeil, tandis que le néologisme participe à leurs continuités. 

[14] A partir du Darwinisme  et la rencontre avec les peuples dits « primitifs » au dix-neuvième siècle, de nombreux  « linguistes » ont réfléchi sur l’origine du langage sans fondement scientifique. Cette démarche n’était pas très différente de celle de Freud qui spécule sur l’originaire chez l’être humain qui se confond avec  les origines de l’espèce humaine. Cependant la notion de l’holophrase était prise en compte d’une manière plus rigoureuse par d’autres avec une classification des langues selon l’usage de repères internes à leur structure.  L’holophrase est prise en compte dans ces typologies selon le modèle des langues dites agglutinantes. La tripartition de Von Hombolt est basée sur « la structure prédominante du mot en tant qu’unité grammaticale. »          

[15] Plus récemment le linguiste Derek Bickerton a introduit, quant à lui, l'idée d'un "protolangage" qui permettrait de décrire la langue des Homo erectus. Ce protolangage primitif  serait composé de juxtapositions de mots concrets, mais ne possèderait pas de grammaire sans que cela nuise au sens global de la phrase. Ce linguiste fait le même rapprochement entre  le langage dit primitif  et celui pratiqué par de jeunes enfants. Il permet d'énoncer des phrases comme " veux manger ", " bébé faim" ou encore " papa pas parti " et sera basé sur l’étude des populations déplacées, et recomposées, telles les créoles aussi bien que l’étude de la  communication animale, notamment des oiseaux.

[16]Selon Jakobson, Peirce appelait ce dispositif dans le langage une icone et l'opposait à l'indice et au symbole (métaphore au sens lacanien). C'est aussi un dispositif linguistique déjà très proche de la notion de l'holophrase, selon les langues.   

[17] Lacan dit : « Le trait unaire, le sujet lui-même s’en repère, et d’abord il se marque comme tatouage, premier des signifiants. Quand ce signifiant, cet un, est institué --- le compte, c’est un un au niveau du compte, que le sujet a à se situer comme tel. En quoi, déjà, les deux uns se distinguent. Se marque ainsi la première schize qui fit que le sujet comme tel se distingue du signe par rapport auquel, d’abord, il a pu se constituer comme sujet. Je vous enseigne dès lors à vous garder de confondre la fonction de S barré avec l’image de l’objet a, en tant que c’est ainsi que le sujet, lui, se voit, redoublé, --- se voit comme constitué par l’image reflétée, momentanée, précaire, de la maîtrise, s’imagine homme seulement de ce qu’il s’imagine. » Souligné par moi-même. Ce n’est pas parce que nous pouvons parler d’un premier signifiant que celui-ci est isolable dans la structure. Chez le psychotique, la fixation demeure sur le moi propre parce qu’a n’est pas séparé. La fonction « phallique », portée par le signifiant maître,  sert à attirer l’œil et à morceler le regard. Elle peut également, dans certaines conditions, être stabilisatrice par la formation d’une image dite phallique dans les thèmes de grandeur dans certains délires. Cette « image phallique » nous semble correspondre à une structure spécifique chez le schizophrène mais ce n’est pas pour autant qu’il se détache du cadre. L’holophrase illustre ce rapport non distinct entre image et cadre. La « reconnaissance » de l’image ici sera plutôt celle d’une captivation par l’image. N’empêche qu’il n’est pas captivé par l’image de l’autre.

[18] En situant l’holophrase sur les signifiants j’suis et chi, je situe ces signifiants comme S1 et S2, selon la définition de Lacan. Bien que j’isole d’une certaine façon le deuxième signifiant, ce n’est pas pour autant qu’on aurait isolé S1. 

[19] FREUD, S., [14, p. 113] «  Dans la schizophrénie, les mots sont soumis au même processus qui, à partir des pensées latentes du rêve, produit les images du rêve et que nous avons appelés le processus psychique primaire. Les mots sont condensés et transfèrent, sans restes, leurs investissements, par déplacement ; le processus peut aller si loin qu’un seul mot, apte à cela du fait de multiples relations, assume la fonction de toute une chaîne de pensées. Les travaux de Bleuler, Jung et de leurs élèves ont apporté à l’appui de cette thèse, précisément, un matériel abondant. » (souligné dans le texte)  JUNG, C. G. « Psychologie de la démence précoce, 1906, , in Psychogenèse des maladies mentales, Albin Michel, Paris, traduit de l’allemand par Josette Rigal, p. 55. J’inclus cette référence qui peut surprendre le lecteur lacanien pour l’inviter à revoir les textes écrits sur la schizophrénie par un auteur qui a été rejeté pour bien  d’autres choses. Les travaux confinés ici ont  été développés à partir des recherches linguistiques de l’école de Zurich qui sont proches de celles de Lacan et de Freud. Freud utilise le mot « contamination », dans son  Psychopathologie de la vie quotidienne, p. 71 de 1901 dans ces termes : « La formation de substitutions et de contaminations dans les lapsus constituerait ainsi le commencement, pour ainsi dire, de ce travail de condensation qui joue un rôle si important dans la formation des rêves » et  il reprendra  ce concept en 1912 lorsqu’il parle du procédé animiste en Totem et Tabou avant de s’en servir ici pour le développement de Inconscient. (Souligné par moi).

[20] Ce type d’identité symétrique si remarquable dans la schizophrénie reflète semble-t-il, celui qui a été  identifié par Freud comme une ‘identité de perception’ [11] et, [14, p. 113] et par Hélène Deutch comme identité « comme si » [17, p. 281]      

[21] Traduit d’anglais par l’auteur.

[22] Traduit de l’anglais par l’auteur.

[23] Je réfère ici au graphe du désir tel que Lacan l’articule dans |22] et dans |19]