Savoir et Vérité dans le cas de L'Homme aux rats

 

Savoir et Vérité dans le cas de l’homme aux rats

Intervention au Collège Clinique de l'EPFCL Paris le 20 février 2008

 

(texte non corrigé)

 

L’inconscient freudien décrit la méconnaissance du sujet de lui-même due à une certaine inaccessibilité de la  vérité. L’adhésion à une psychanalyse prend une forme de croyance dans une sorte de vérité au fond des choses, et c’est bien de cette croyance qui fait venir l’homme aux rats chez Freud, après des mésaventures nombreuses. Cette vérité existe, selon Freud, parce qu’il y a des signes qui le preuve, lit l’homme aux rats dans La psychopathologie de la vie quotidienne. Dans la version lacanienne bien que cette vérité s’approche à la notion de certitude, Gewissheit , elle ne peut-être que mi-dite.

 

Néanmoins, pour Freud il y a une sorte de logique d’un secret qui rend malade. Si celui-ci est révélé au malade, il sera guérit. C’est-à-dire, Freud ne s’est pas toujours contenté de  simplement « recueillir » les dires de ses analysants. Il a voulu  « extraire, du matériel brut des associations des malades, le contenu net de précieuses pensées inconscientes. » (DORA, 1905)

 

Ainsi le secret devient objet de recherche, aussi bien pour l’analysant, que l’analyste et même le lecteur. Cette recherche ressemble un peu à une enquête policière, à savoir, qu’est-ce qui s’est passé « vraiment ». C’est la recherche d’une sorte de savoir oublié. Le but est d’arriver à une vérité cachée, avec une très forte probabilité, selon Freud,  d’un coupable à la clé. Seulement le coupable selon  l’homme aux rats, c’est lui-même. Il est un lâche et même un criminel, selon ses propres mots.

 

L’homme aux rats se répète en  s’adressant à Freud, en partie comme il s’est adressait dans le passé à ses parents puis à son ami pour être rassuré quant à sa moralité qu’il veut être irréprochable, et surtout pour se parer contre l’angoisse étrange qui lui envahit.  Il va également pour faire des aveux (en demandant s’il ne devrait pas se trancher la gorge) des crimes que Freud interprétera toute de suite comme étant de l’ordre Oedipienne (bien que ce terme ne sera pas employé avant 1910). .  L’homme aux rats  a lu Freud et il veut aussi savoir d’où viennent ses obsessions et surtout comment les arrêter.

 

Dans le mythe d’Œdipe le Sphinx supporte la place du mi-dire (une vérité posée en termes d’une énigme. ). L’énigme, ou savoir inconsciente, faite de signes, ne peut qu’être déchiffré et non révélé.  Ce savoir est du côté du regard et non pas de la vision et c’est bien pour cela qu’Œdipe tombe dans la piége de la vérité comme l’homme aux rats, et peut-être Freud lui-même.   L’homme aux rats s’imagine voyant, ayant un œil tout-puissant, capable de voir la vérité même. Or ce qui est éludé est la vérité du sujet.  Néanmoins, ce dont il veut savoir  quand il interroge Freud n’est pas un savoir immanent des choses mais un savoir produit, inventé par l’interprétation du savoir par le signifiant maître de l’Autre, einziger Zug, celui qui incarne.[1]. .et qui disjoint la vérité du sujet.  L’homme aux rats articule ainsi sa pensée magique, faite des signifiants maîtres, à la pulsion (surtout scopique et anale) face à un Freud interloqué, prêt à servir, procédant à une sorte de endoctrinement de la méthode et une interprétation qu’il semble vouloir aussi  scientifique et que complète.   

 

L’homme aux rats, poussait par Freud, finit par raconter son crime :

 

203-204« A 6 ans déjà, je souffrais déjà d’érections, et je sais que j’aillais un jour chez ma mère pour m’en plaindre. Je sais aussi qu’il m’a fallu, pour le faire, vaincre des scrupules, car j’en pressentais le rapport avec mes représentations mentales et mes curiosités. Et j’eus aussi, à cette époque, pendant quelque temps, l’idée morbide que mes parents connaissaient mes pensées, et, pour l’expliquer, je me figurais que j’avais exprimé mes pensées sans m’entendre parler moi-même. Je vois la le début de ma maladie. Il y avait des personnes, des bonnes, qui me plaisaient beaucoup et que je désirais violemment voir nues. Toutefois, j’avais, en éprouvant ces désirs, un sentiment d’inquiétante étrangeté (unheimlich), comme si je devais tout faire pour l’empêcher. »  (réel)

 

(Comme exemple, en réponse à ma question, il me cite la crainte que son père ne meure.) « Depuis mon très jeune âge, et durant de longues années, des pensées touchant la mort de mon père me préoccupaient et me rendaient très triste. »

 

A cette occasion, j’apprends avec étonnement que son père, tout en étant l’objet de ses obsessions actuelles, est mort depuis plusieurs années » (En 1899 lorsque HAR à 21 ans. )

 

Pas seulement le début mais la maladie même. 

 

Ses paroles revêtent une sorte d’imprécision typique (vérité ou réel ?) , nous dit Freud, des névroses. « Toutefois, chez cet enfant, il n’est  pas difficile de déceler ce qui se cache derrière cette imprécision. Arrive-t-on à connaître un exemple précis que la névrose obsessionnelle exprime par des généralités vagues, on peut être certain, dit Freud, que cet exemple constitue la pensée primitive et véritable que cette généralisation était destinée à cacher. On peut donc reconstituer le sens de l’appréhension obsédante de la façon suivante : « Si j’ai le désir de voir une femme nue, mon père devra mourir. » L’affect pénible prend nettement le caractère d’inquiétante étrangeté, en fait naître, à ce moment déjà, des impulsions à faire quelque chose pour détourner le désastre, impulsions semblables aux mesures de défense qui se feront jour plus tard. » Réel remanié par Freud par son interprétation inexacte mais vrai. P. 204-205

 

Freud interprète la demande pulsionnelle  (voyeurisme/ exhibitionnisme) en l’accrochant au désir :

« Que signifie l’idée de l’enfant s’il ressent le désir sexuel en question que son père doive mourir ? » (205)

 

 L’homme aux rats  aura même une sorte d’idée délirant : « Je dis mes pensées sans m’entendre. » Cette phrase sonne pour Freud comme  une projection à l’extérieure de sa propre « hypothèse suivant laquelle on a des pensées sans le savoir. », autrement dit un savoir inconscient.   (205)

 

Freud continue page 215  Lors de la sixième séance. «  A l’âge de 12  ans, il aimait une fillette, la soeur d’un camarade (et à ma question, il répond : « Pas sensuellement, je ne voulais pas la voir nue, elle était trop petit) Mais elle n’était pas aussi tendre avec lui qu’il l’aurait souhaité. L’idée lui vint alors qu’elle serait plus affectueuse pour lui s’il lui arrivait un malheur ; et la pensée s’imposa à lui que la mort de son père pourrait être ce malheur. Il écarta immédiatement et énergiquement cette pensée. D’ailleurs, il se défend d’admettre la possibilité qu’il s’agit là d’un « souhait ». Ce n’était, d’après lui, qu’un simple « enchaînement d’idées ».—J’objecte : « Si ce n’était pas un souhait, pourquoi vous êtes-vous défendu contre cette idée ,(SPM, interprétation inexacte mais vrai) »--« Mais uniquement à cause du contenu de cette représentation, que mon père pourrait mourir. »--Je lui fais remarquer qu’il traite cet énoncé comme s’il s’agissait d’un crime de lèse-majesté pour lequel seront aussi bien punies les personnes qui disent : « L’Empereur est un âne », que celles qui s’expriment de cette façon plus déguisée : « Celui qui dira que l’Empereur ..etc, aura affaire à moi. »On pourrait d’ailleurs facilement insérer le contenu des sa pensée relative à la mort de son père n’apparaissait  pas dans ce cas, pour la première fois ; son origine devait être plus ancienne et nous devrions un jour la rechercher »   C’est au cours de cette même séance où HAR révèle une deuxième rêverie concernant  la mort de son père lié cette fois-ci à son mariage avec la dame. Par la mort du père il deviendrait très riche et pourrait épouser la dame. Il raconte dans cette même séance.  A la mort de son père il s’était dit « Non qu’il y avait une autre personne dont la perte te serait encore plus douloureuse. » ,en pensant de la dame.

 

 

L’homme aux rats s’adresse à Freud, animé par un désir de savoir, non vraiment différent de celui d’une curiosité sexuelle qui lui a conduit à  construire des théories sexuelles infantiles mais aussi ses obsessions. A la différence de l’hystérique, l’obsessionnel ne refoule pas ce savoir. Il ne lui manque pas de souvenirs. Il constitue un rapport particulier aux souvenirs, fait de compromis. Freud dit (p227 5PK) « Il faut admettre que les obsédés possèdent deux sortes de savoir et de connaissance, et on est également en droit et de dire que l’obsédé « connaît » ses traumatismes et de prétendre qu’il ne les « connaît pas ». Il les connaît, en ce sens qu’il ne les a pas oubliés, mais il ne les connaît pas, ne se rendant pas compte de leur valeur. (SPM ? vérité) »P 228 Freud explique cette cause chez HAR :

 

« Il me faut à présent décrire de façon circonstanciée la cause occasionnelle de la névrose du patient en question. Sa mère avait été élevée chez des parents éloignés, une riche famille de gros industriels. C’est à la suite de son mariage que son père avait été employé dans cette maison, de sorte qu’il n’était arrivé à sa situation de fortune, assez considérable, que grâce à son mariage. Par des taquineries entre les époux, qui vivaient d’ailleurs dans une parfaite entente, notre patient apprit que son père, quelque temps avant de connaître sa mère, avait courtisé une jeune fille d’une famille modeste, pauvre mais jolie. Tel est le prologue. Après la mort de son père, sa mère lui dit un jour qu’elle avait parlé à ses riches parents de son avenir à lui et qu’un de ses cousins consentirait à lui donner en mariage une de ses filles, dès qu’il aurait terminé ses études ; des relations d’affaire avec cette importante maison lui offriraient ainsi de brillantes perspectives pour son avenir professionnel. Ce plan de sa famille réveilla en lui un conflit : devait-il rester fidèle à son amie pauvre ou bien suivre les traces de son père et épouser la jeune fille, belle, distinguée et riche, qu’on lui destinait ? Et c’est ce conflit-là, conflit, au fond, entre son amour et la volonté persistante de son père, qu’il résolut en tombant malade ; ou, plus exactement, par la maladie ; il échappa à la tâche de résoudre ce conflit dans la réalité. »

 

La fuite dans la maladie, ou la construction du symptôme devient possible grâce à l’identification au père. remarque Freud.  L’inhibition au travail est en réalité « la cause, le mobile pour tomber malade ».

 

 Freud dit que l’homme aux rats a un peu de mal à admettre cette interprétation mais il a dû se convaincre par  les moyens d’un « fantasme de transfert »(vérité). « D’une période du traitement, obscure et difficile, il résulta qu’il avait pris pour ma fille une jeune fille rencontrée un jour dans l’escalier de ma maison. Elle lui plut, il s’imaginera que si j’étais aussi aimable et aussi extraordinairement patient avec lui c’était parce que je souhaitais la lui voir épouser et il éleva au niveau qui lui convenait la richesse et la distinction de ma famille. Mais l’amour indestructible pour la dame luttait en lui contre cette tentation. Après m’avoir adressé les pires injures, et surmonté nombre de résistances des plus opiniâtres, il ne put se soustraire à l’effet convaincant de l’analogie complète entre les fantasmes du transfert et la réalité de naguère. (SPM) Je reproduis ici un des rêves de cette période du traitement pour montrer dans quel style ses sentiments s’exprimaient : Il voit ma fille devant lui, mais elle a deux morceaux de crotte à la place des yeux.(Réel) Pour tous ceux qui connaissent le langage du rêve, la traduction de celui-ci sera facile : il épouse ma fille, non pas pour se beaux yeux mais pour son argent. «  229  (Vérité)

 

 

« Un fil reliait cette cause occasionnelle de la névrose adulte à l’enfance de notre patient. Ils se trouvaient dans une situation par laquelle, d’après ce qu’il savait ou supposait lui-même, avait passé son père avant son mariage ; il pouvait donc s’identifier à celui-ci. Le père défunt intervenait d’une autre façon encore dans la maladie actuelle du patient. Son conflit morbide était, en effet, essentiellement une lutte entre la persistance de la volonté paternelle et ses propres sentiments amoureux. Si nous tenons compte des communications faites par le malade au cours des premières séances du traitement, nous devrons supposer que cette lutte était très ancienne, et avait dû commencer dès l’enfance. «  Interprétation inexacte mais vrai. 

 

 

 Lacan

 

« L’interprétation chez Freud est si hardie qu’à l’avoir vulgarisée, nous ne reconnaissons plus sa portée de mantique. Quand il dénonce une tendance, ce qu’il appelle Trieb, tout autre chose qu’un instinct, la fraîcheur de la découverte nous masque ce que le Trieb implique en soi d’un avènement de signifiant. Mais quand Freud amène au jour ce qu’on ne peut appeler que les lignes de destinée du sujet, c’est la figure de Tirésias dont nous nous interrogeons devant l’ambiguïté où opère son verdict. »

 

« Car ces lignes devinées concernent si peu le Moi du sujet, ni tout ce qu’il peut présentifier hic et nunc dans la relation duelle, que  c’est à tomber pile, dans le cas de l’homme aux rats, sur le pacte qui a présidé au mariage de ses parents, sur ce qui s’est passé donc bien avant sa naissance --, que Freud y retrouve ces conditions mêlées : d’honneur sauvé de justesse, de trahison sentimentale, de compromis social et de dette prescrite, dont le grand scénario compulsionnel qui lui a amené le patient semble être le décalque cryptographique, -- et vient à y motiver enfin les impasses où se fourvoient sa vie morale et son désir. « 

 

« Mais le plus fort est que l’accès à ce matériel n’a été ouvert que par une interprétation où Freud a présumé d’une interdiction que le père de l’homme aux rats aurait porté sur la légitimation de l’amour sublime à quoi il se voue, pour expliquer la marque d’impossible dont, sous tous ses modes, ce lien paraît pour lui frappé. Interprétation dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est inexacte, puisqu’elle est démentie par la réalité qu’elle présume, mais qui pourtant est vraie (souligné par moi) en ce que Freud y fait preuve d’une intuition où il devance ce que nous avons apporté sur la fonction de l’Autre dans la névrose obsessionnelle, en démontrant que cette fonction dans la névrose obsessionnelle s’accommode d’être tenue par un mort, et qu’en ce cas elle ne saurait mieux l’être que par le père, pour autant que, mort en effet, il a rejoint la position que Freud a reconnue pour être celle du Père absolu. » p597-598DDC

 

Mais comment se situe ce contenu « vrai » pour l’homme aux rats et qu’est-ce qu’il fait avec les interprétations de Freud ?

 

Freud reconnaît qu’une névrose obsessionnelle n’est guère facile à comprendre, bien moins qu’un cas d’hystérie (p. 200 5 PK) « Au fond, » dit Freud, « il aurait fallu s’attendre à trouver le contraire. Les moyens dont se sert la névrose obsessionnelle pour exprimer ses pensées les plus secrètes, le langage de cette névrose, n’est en quelque sorte qu’un dialecte du langage hystérique (SPM), mais c’est un dialecte que nous devrions pénétrer plus aisément, étant donné qu’il est plus apparenté à l’expression de notre pensée consciente que ne l’est celui de l’hystérie. Avant tout, il manque au langage des obsessions ce bond du psychique à l’innervation somatique (s par moi)—la conversion hystérique—qui échappe toujours à notre entendement. »

Or le  symptôme de l’homme aux rats est surtout la contrainte de penser .Il se parant contre la division, inventant des formules qui empêche le glissement d’autres pensées entre deux pensées initiales. Pouvons nous dire qu’il empêche la création d’un intervalle entre S1 et S2 ?  Ses pensées le font tourner en rond. Il produit même des injonctions contre lui-même pour avoir de pensées haineuses  que Freud ne manque pas de traduire en souhaits alors il s’agit souvent des demandes, c’est-à-dire venant de la pulsion.   

Un scénario fantasmatique reflète la relation inaugurale entre le père, la mère et le personnage, plus ou moins effacée dans le passé de l’ami à qui le père doit de l’argent. Cette relation prend sa valeur par l’appréhension subjective qu’en a eu l’homme aux rats.

 

Il existe dans l’histoire de l’homme aux rats une dette à l’égard de l’ami, jamais retrouvé par le père, et jamais remboursée. Il y a dans l’histoire du père une substitution de la femme riche à la femme pauvre.  « Or, à l’intérieur de fantasme développé par le sujet, nous observons quelque chose comme un échange des termes terminaux de chacun de ces rapports fonctionnels. » 29 MIN

 

C’est autour de l’idée de remboursement que la crise de l’homme aux rats connaît son développement dernier.  25MIN Le sujet se fait en effet un devoir névrotique de rembourser une somme d’argent déboursée pour lui pour remplacer son lorgnon perdu lors des manœuvre militaires, mais dans certaines conditions bien précises. « Ce devoir, il se l’impose à lui-même sous la forme d’un commandement intérieur qui surgit dans le psychisme obsessionnel, en contradiction avec son premier mouvement qui s’était exprimé sous la forme « ne pas payer ». Le voilà au contraire lié à lui-même par une sorte de serment, « payer A (David) ». Or il s’aperçoit très vite que cet impératif absolu n’a rien d’adéquat, car ce n’est pas A qui s’occupe des affaires de poste, mais à un lieutenant B (Engel). «  « Ce n’est pas tout. Au moment même où toutes ces élucubrations se produisent en lui, le sujet sait parfaitement, on le découvre par la suite, qu’en réalité il ne doit pas non plus cette somme au lieutenant B, mais tout bonnement à la dame de la poste, qui a bien voulu faire confiance à B, monsieur honorable qui est officier et se trouve dans les environs. Néanmoins, jusqu’au moment où il viendra se confier aux soins de Freud, le sujet sera dans un état d’angoisse maxima, poursuivi par un de ces  conflits si caractéristiques du vécu obsessionnels, et qui tourne tout entier autour du scénario suivant – puisqu’il s’est juré qu’il rembourserait la somme à A, il convient, afin que n’arrivent pas à ceux qu’il aime le plus les catastrophes annoncées par l’obsessionnel, qu’il fasse rembourser par le lieutenant A la généreuse dame de la poste que devant lui celle-ci reverse la somme en question au lieutenant B, et que lui-même rembourse alors le lieutenant A, accomplissant ainsi son serment à la lettre. Voilà où le mène, par cette déduction propre aux névrosés, la nécessité intérieure qui le commande. »

 

L’objet du désir qu’a le sujet de retourner à l’endroit où est la dame de la poste n’est pas du tout cette dame elle-même, mais un personnage qui dans l’histoire récente du sujet incarne la femme pauvre, une servante d’auberge qu’il a rencontrée au cours des manœuvres. Pour éteindre la dette, il faut en quelque sorte la rendre, non à l’ami, mais à la femme pauvre et par là à la femme riche, que lui substitue  le scénario imaginé.    (Encore une sorte de dédoublement narcissique)

 

La première leçon que tire Freud à partir cas de l’homme aux rats est qu’on peut trouver du sens partout. Freud démontre la complexité de construction de son patient : il dévoile les fausses connexions, des inversions, les ellipses. Il examine l’homosexualité latente. Il démontre comment il y a un infini d’associations possibles, désignant par là le propre de la chaîne signifiante, bien au-delà des interprétations.

Cependant, l’homme aux rats brouille les pistes, c’est le cas de le dire, et Freud est obligé d’aller jusqu’à écrire le tracé des déplacements de son patient pour comprendre quelque chose. C’est une sorte d’écriture du réel où il tente de nouer les bouts de discours déconnectés de l’homme aux rats, et par là de les nouer au fantasme et à l’imaginaire. Il cherche même ce qu’il appelle les points nodaux. Mais est-ce qu’il arrive afin de toucher par ce moyen l’effet de jouissance du symptôme ? Comment, à partir des effets de sens peut-il obtenir une incidence sur la jouissance du symptôme puis que cette jouissance fait partie du réel et elle est elle-même  hors sens ? Il semble impératif que l’interprétation de Freud porte plus loin que la parole, jouant plus souvent sur l’équivoque (le Witz) , comme indique Lacan, jouer sur les mots pour faire réduire le sens afin que puisse émerger le jouis-sens ou le sens joui. 

Si au fond la névrose obsessionnelle est un dialecte de l’hystérie—on peut s’appuyer sur les identifications comme pour l’hystérique.  Par identification, Lacan veut dire que le sujet s’insère dans le discours du maître, c’est-à-dire il met un signifiant, un S1 en position d’agent sera déterminant pour le sujet.  Pour Lacan il s’agit d’identifier aussi une direction de la cure en dénudant la fonction du symptôme et les racines de l’impossible. La structure (l’identification) atteinte le discours (la vérité) alors que l’interprétation de Freud touche quelque chose de réel qui fait retour. (Mort d’une infection  -pour lui peste = rats)  Cependant, dans son interprétation inexacte mais vraie Freud dévoile la structure son patient.

 

 

Rappelons le discours de l’hystérique :

 

$ ―>S1    

―    ―

a      S2

 

Le signifiant « rat » va jouer le rôle du signifiant maître de l’Autre pour l’homme aux rats. Il est un signifiant qui représente le sujet pour un autre signifiant (Ernst Langer ou Paul dans le cas écrit par Freud).  Le Spielratte ou le rat de jeu (S1) est une expression qu’il garde en mémoire concernant son père et les dettes de jeu de celui-ci.

 

 

Le discours du maître

 

S1         S2                       S1    maître mort (fille de Freud, Freud, père, dame, CC, ami) 

$             a                       S2    autres (ami, femme pauvre, supplicié)

                                          a    rats (florins, crottes, couronnes, regard en miroir, etc.)

 

 

Le désir est appareillé par le fantasme qui fait croire à l’existence de l’Autre, l’Autre qui, dans le cas de l’homme aux rats lui devine et lui épie, mais qui peut aussi être protecteur. 

 

 

 

           Identifications

Ernst L rat de jeu, père, mère, sœur, enfant (Ratz dans la dialecte viennois)

Ernst     ami

 Ernst   femme pauvre, femme riche 

 Ernst   Supplicié

                            

                                                         

Le discours de l’hystérique

 

sujet                    maître protecteur/destructeur

a                           dispositifs de protection/sanctions

 

L’homme aux rats tente de ravaler l’Autre au rang de l’objet (toi lampe, toi serviette (sortes d'holophrases), les frappant de destruction.  Les obsessions (une crainte) apparaît comme une possibilité (un fantasme déjà) pour l’Autre impersonnel (à travers le sujet) de faire subir une supplice à une personne aimée (haie)  par la pensée ou par le rêve (vision).

 

Ces pensées (sortes de déchets de la morale au niveau inconscientes) sont souvent récupérées chez l’homme aux rats sous une forme de croyance, témoignant la division du sujet. Au début de la cure, Freud s’est placé comme maître protecteur dans ce discours où le sujet pouvait attendre un dispositif de protection équivalent à ceux qu’il essai d’inventer à travers ses propres formules magiques. Dans le discours hystérique, les déchets de la morale, les autres objets (a) de destruction, les biens les plus précieuses du sujet (ses pensées qui pouvaient lui échapper) viennent à la place de la vérité, le dépossédant.  En réalité, l’homme aux rats suit ce schéma lui-même quand il invente des formules de sanction ou de défense mais Freud n’utilise pas souvent le dispositif de l’équivoque, bien au contraire.  Ses interprétations des demandes de l’homme aux rats lui amène à être à la place du Capitaine Cruel, d’où l’homme aux rats lui supplie : « Mon Capitaine ! » , ne m’oblige pas de le dire…   

 

 

Capitaine Cruel           Supplicié                                    l’homme aux rats      Freud

L’homme aux rats       rats                                              rats    dépenser de 2 comètes 

                                                                                                       (Commandement c/rest.)

 

L’homme aux rats       Protecteur (ami)                       HAR            Dieu (père mort)

Déchet de la morale    Aber   (mais)                            regard          serment contre mast. 

 

Selon Lacan, la vérité a un rapport au réel mais c’est un rapport « lâche ». (5 OSC) 

 

 

Pour Lacan il restera toujours un réel qui ne peut pas s’inscrire, c’est le réel du rapport sexuel.  Dans le chiffrage gît pourtant la jouissance sexuelle, qui fait obstacle pour écrire le rapport sexuel. 556 IEA

 

 On peut voir apparaître ce chiffrage sous la forme des homophones  qui forme une série métonymique qui n’arrête pas à ne pas s’écrire. :

Menschenspielerer (jeu avec l’homme), Spielratte (rat de jeu), Ratz (enfants en dialecte viennois) Ratus (compter, juger), (chatiment pour avoir mordu, après lequel il répond en insultant son père des mots de circonstances : toi, lampe, toi serviette ) Frau Lina Hofrat, Re (compter)

 

 

L’horreur de la jouissance ignorée par l’homme aux rats est en fait  une passion de l’être. Au fond le  problème pour Freud est de faire passer cette passion ignorée mais déjà chiffré par l’homme aux rats vers un savoir sur le non rapport sexuel ou sur la vérité de la castration, (ou un savoir en place de la vérité. )Mais, selon Lacan, si l’homme aux rats est mort sur le champ de bataille d’une infection, Freud n’est pas pour rien.   « Ce n’est pas non plus que je tienne l’homme aux rats pour un cas que Freud ait guéri, car si j’ajoutais que je ne crois pas que l’analyse soit pour rien dans la conclusion tragique de son histoire par sa mort sur le champ de bataille, que n’offrirais-je à honnir à ceux qui mal y pensent ? »598

 

Freud à pu pousser ses patients parfois au bord d’une crise,  déclenchement ou activation  d’une identification avec le corps propre.  Selon Lacan, »il commence par introduire le patient à un premier repérage de sa position dans le réel, d^pu celui-ci entraîner une précipitation, ne reculons pas à dire une systématisation, des symptômes. » 596 DDC 

 

 

Mais pour Freud jusqu’à la fin :

 

« Il manque toujours l’essentiel.. Les détails voisins sont là, pourtant…même s’ils ordonnent par une forme d’intelligence inconscient… »(1937)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] LACAN, J., Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964-65, Seuil, 1973, p. 129.