Du Semblant au Sang rouge dans les Cent Mille Carrés de Sutpen: le racisme, le symptôme ou le sinthome




Du Semblant au Sang rouge dans les Cent Mille Carrés de Sutpen [1]

   Barbara Bonneau                            

 

« Ô, merveille !
Combien de belles créatures vois-je ici assemblées !
Que l’humanité est admirable !
Ô splendide nouveau monde qui compte de pareils habitants ! »


William Shakespeare, La Tempête, acte V, scène I  [2]

 

Ce texte est publié sur Amazon sous forme de livre électronique depuis le 19 Octobre 2012. En conséquence, il ne paraît plus ici. 

 

Voici une courte introduction: 

 

La vie ne tient qu'à un fantôme ! Etonnant conclusion ! J'utilise le roman "Absalon! Absalon!" de William Faulkner pour démontrer comment le "Semblant" joue dans le racisme, le symptôme et le sinthome. Ainsi sont explorés les différentes "structures" (névrose, psychose, perversion) possibles avec l'utilisation des Discours et des mathemes du psychanalyste Jacques Lacan. Une attention particulière est donnée à l'holophrase et sa déclinaison structurale dans la psychose et le Discours du Capitaliste. Les personnages de Faulkner ne sont pas en reste. Ils s'animent à travers de cette nouvelle perspective.

 

Dans sa fable allégorique de l’Amérique pré et post Guerre de Sécession, William Faulkner raconte par flashback successifs et par des voix différentes, les ambitions et la chute de Thomas Sutpen, sudiste pauvre devenu propriétaire terrien et esclavagiste par une forme de corruption dont le lecteur ne saura quasiment rien. Faulkner explore la disjonction de la vérité et du savoir produit par le discours en donnant voix à plusieurs protagonistes qui racontent la même histoire. Cette division s’articule également avec la schize de l’œil et du regard. Nous verrons aussi un autre élément qui opère au delà de la différence sexuelle, comme impossible réel.  Le conservatisme du Sud est entaché par un mode économique où le sang de l’esclave noir a valeur d’or. Infiltré par les certitudes ambiantes d’une idéologie de pureté raciale, la chute du Sud  est intimement imbriquée avec celle du personnage principal du roman, Sutpen, dont le destin sera celé par un événement infantile  « oraculaire ».

 

Plus tard, après la Guerre,  les autres personnages principaux - Miss Rosa et Quentin - sont hantés par le fantôme[5] (un semblant) de Thomas Sutpen. Ils prêtent leur propre voix à son fantôme qui se demande pourquoi il a échoué dans ses desseins. Ses projets ratent non pas par le non accomplissement de leur ampleur pharaonique mais par l’élément même qui a marqué la jouissance du sujet.  C’est à partir de l’objet voix, ainsi que des signifiants transmis, que ces personnages inventent leurs propres symptômes ou sinthomes, comme l’Homme aux loups avec son voile. Ce voile, ne serait-il pas un reste entre la schize de l’œil et du regard, autre façon de figurer le Semblant[6] ? Pouvons-nous voir dans le fantôme du père de Hamlet un Semblant du même ordre ?  Peut-on dire que la voix, objet a, séparable mais non pas forcément séparé  du corps, télescope le temps et brouille le regard? Ou bien à travers le temps ne s’agit-il pas plutôt d’un signifiant, et même d’une lettre, qui comme savoir refoulé peut faire retour ? Le fantôme parle à travers les vivants comme l’esclave donne « voix » à son maître. Or cette voix qui échappe comme cri, comme rire ou comme répétition, celle que Lacan fait « incarner » par un des instances de l’objet a, est l’objet de la pulsion, évocatrice de jouissance, donc de réel et de vérité.

 




[1]Une version de ce texte du 11 Novembre 2006, a servi pour une intervention au Séminaire de Lisa Muller et de moi-même en Décembre 2006. Elle était en grande partie le fruit de travail de deux cartels différents. Dans la version ici présentée ce texte est incomplet, non corrigé, avec notes et extraits d’autres textes ayant servis pour d’autres séminaires. Bien que je ne cite pas dans ce texte toutes les références théoriques de ce travail, notamment les références à ma propre théorisation à partir de Freud et de Lacan, vous pouvez les trouver sur mon site à partir de ce texte de 1992, (J'ai tué mon père et je suis dans la glace)  où j’ai commencé à élaborer ce que pourrait être un sinthome pour un schizophrène. Pour la présente version de ce texte sur Faulkner, j’ai inséré des citations de la version traduite en français pour remplacer mes propres traductions. Une version a également été présentée le 8 Octobre 2011 pour l’APJL Lyon en préparation du travail pour cette année 2011- 2012. Pour le site, aujourd’hui 26 Octobre 2011 je compte déjà 300 « lecteurs » ou du moins visiteurs sur cette page. Je sais que compter les visites fait très « audimat » mais, à la différence des livres vendus, c’est la seule façon de savoir si ce travail intéresse. Merci à toutes et à tous pour votre intérêt. La décision d’écrire ce texte « en ligne » vient de mon interprétation d’une demande d’un collègue qui souhaitait « suivre » l’écriture d’un texte. Je pensais que ce projet pouvait provoquer au moins la curiosité. Bien qu’il n’est pas sans certains risques (d’erreur, de médire, de je ne sais quoi…)

[2]« O, wonder !
How many goodly creatures are there here !
How beauteous mankind is ! O brave new world,
That has such people in’t ! »